sur un air d'Ennio Morricone (Securibourse)

par Graham ⌂ @, mercredi 23 octobre 2024, 00:04 (il y a 15 jours) @ fabrice

Cela me rappelle aussi une confrontation épique.
Le grand patron s'était entouré de 5 de ses immédiats lieutenants.
On se serait cru dans "il était une fois dans l'ouest".
Les bouches étaient closes, pas un mot ne sortait.
Silence total.
Le type me tend une feuille remplie de ses récriminations.
Je comprends aussitôt. L'émotion me monte.
Je peine à lire et à me concentrer.
Le type m'explose.
Ce n'est même plus de moi qu'il parle.
Il invente un personnage.
J'étais le salaud, l'archi salaud.
Si j'avais été une mouche, il m'aurait écrasé de son talon.
Un sentiment aigu d'injustice me soulève les trippes.
C'est à mon honneur que ces salauds s'en prennent
J'avais très fort envie de les bastonner.
J'étais tellement en colère et déterminé que je n'aurais eu aucun mal à venir à bout des six.
Au bout de deux ou trois minutes, mes yeux et ma tête se relèvent.
De gauche à droite, je les fixe sans mot dire les uns après les autres avec le regard le plus dur et méchant que je pus emprunter.
A la fin, je m'arrête sur le patron et lui assène d'une voix sépulcrale: "le roseau plie mais ne rompt pas. Il n'y a que les chênes que l'on abat".
Je crois bien que j'avais les yeux injectés de sang.
Ils me regardent tous avec des yeux ahuris. Ils n'ont sans doute pas compris.
Puis je retourne les talons et quitte la salle, laissant la porte grande ouverte.
Le couloir était long.
Pas un bruit ne froissa le silence.
Cela a pris 4 ou 5 ans de ma vie, mais je suis parvenu à les faire condamner. J'ai même eu l'honneur d'aller jusqu'au Conseil d'Etat. Le ministre s'était engagé et avait suivi sans rien connaître du dossier son subalterne. Il avait été mal conseillé.
Le seul regret que j'ai conservé de cette scène est d'avoir vécu dans un monde feutré.
Au farwest ou quelque part dans les temps obscurs du moyen-âge, je les aurais trucidés.
Et j'en aurais ressenti le plus vif plaisir et mon honneur eut aussitôt été lavé.
Le plaisir, là, ne fut qu'intellectuel. J'avais vaincu, complètement vaincu, tout seul, sans soutien, comme un héros antique confronté solitairement à son destin.
Comme l'homme avec la civilité est dénaturé et doit sans cesse sublimer ses affects au point d'en tomber malade et de retourner contre soi toute la force de ses passions.

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Graham


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